Le modèle STAR–Shoulder : une approche clinique structurée pour rééduquer l’épaule

Par Frédéric Srour. Kinésithérapeute.

 

Les douleurs de l’épaule sont fréquentes et peuvent fortement impacter la qualité de vie des patients. Traditionnellement, les cliniciens s’appuient sur un modèle patho-anatomique, qui cherche à identifier la lésion (tendinopathie, capsulite, instabilité, etc.). Mais cette approche montre vite ses limites : à diagnostic égal, les présentations cliniques et les besoins en rééducation peuvent varier grandement.

C’est pour mieux prendre en compte la complexité des troubles de l’épaule que Philip McClure et Lori Michener ont proposé en 2014 le modèle STAR–Shoulder (Staged Approach for Rehabilitation). Ce modèle repose sur trois étapes cliniques complémentaires, qui permettent de structurer l’évaluation et d’individualiser la prise en charge de manière cohérente.

Étape 1 : Dépistage – Identifier les facteurs d’alerte et le contexte global

Avant d’entrer dans une logique de traitement, le clinicien ou la clinicienne commence par évaluer le contexte du patient afin d’assurer une prise en charge sécurisée et adaptée.

Repérer les drapeaux rouges et jaunes
  • Drapeaux rouges : signes de pathologie grave (fracture, tumeur, infection, atteinte neurologique sévère…) qui justifient une ré-orientation vers un médecin.
  • Drapeaux jaunes : facteurs psychologiques et sociaux pouvant avoir un impact négatif sur la récupération (kinésiophobie, catastrophisme, anxiété, dépression, isolement social…).

Cette étape permet :

  • D’écarter les contre-indications à la rééducation.
  • De repérer les éléments pouvant impacter le pronostic fonctionnel.
  • D’adapter la communication et la prise en charge pour favoriser l’adhésion du patient.

Étape 2 : Classification patho-anatomique – Comprendre les structures impliquées

Une fois le dépistage réalisé, le clinicien procède à une évaluation structurelle fondée sur :

  • L’entretien clinique (histoire de la douleur, circonstances d’apparition)
  • L’examen clinique (inspection, tests de mobilité, force, palpation…)
  • Les examens complémentaires si besoin (imagerie)
Regrouper les présentations cliniques en catégories utiles pour la rééducation

Cette classification a pour objéctif d’orienter le traitement à partir des principaux tableaux cliniques connus que sont :

  • Syndrome douloureux sous-acromial : tendinopathie, bursite, conflit, rupture des tendons de la coiffe des rotateurs.
  • Capsulite rétractile et raideurs de l’épaule : limitation globale des amplitudes souvent primitives, parfois post-traumatique ou arthrosique.
  • Instabilités gléno-humérales : antérieure, postérieure ou multidirectionnelle, souvent chez des sujets jeunes ou hyperlaxes.
  • Douleurs d’origine cervicales ou neurologiques périphériques : douleurs référées, neuropathies périphériques.

Cette étape permet de :

  • Vérifier la pertinence d’un traitement conservateur ou la nécessité d’un avis chirurgical.
  • Définir les précautions à respecter selon les tissus atteints.
  • Informer le pronostic à long terme.

Mais à elle seule, elle ne suffit pas à guider les modalités de rééducation. C’est pourquoi l’étape suivante est essentielle.

Étape 3 : Classification pour la rééducation – Personnaliser l’intervention

Cette troisième étape est le cœur opérationnel du modèle STAR. Elle repose sur deux axes d’analyse complémentaires :

a. Le niveau d’irritabilité tissulaire

Il reflète le degré de douleur et de réactivité des tissus à la sollicitation, ce qui permet d’ajuster l’intensité des interventions :

Niveau

Signes cliniques

Implications thérapeutiques

Haute

Douleur > 7/10, présente au repos et la nuit, mobilité active < passive

Rééducation douce, éviter les gestes douloureux, réduire l’inflammation

Modérée

Douleur modérée (4–6/10), en fin d’amplitude, mobilité active ≈ passive

Mobilisations contrôlées, exercices progressifs

Faible

Douleur < 3/10, pas de gêne au repos, bonne tolérance au mouvement

Renforcement dynamique, travail intensif et fonctionnel

Cette hiérarchisation permet de moduler la charge, l’intensité et la progression des exercices en fonction de l’état du patient au moment de son évaluation.

b. Les déficiences spécifiques à corriger

En complément du niveau d’irritabilité, le clinicien identifie les déficiences motrices et fonctionnelles, parmi lesquelles :

  • La raideur articulaire (capsulaire ou post-traumatique)
  • La raideur d’origine musculaire (réflexe de protection douloureuse)
  • L’instabilité
  • La faiblesse musculaire
  • Le trouble du contrôle moteur
  • Les facteurs cognitifs/comportementaux : mauvaise compréhension, croyances erronées, kinésiophobie, évitement.

Cette analyse permet de déterminer :

  • Les outils thérapeutiques : éducation, renforcement musculaire, exercices de contrôle moteur, techniques manuelles etc.
  • Les paramètres d’exécution : charge, vitesse, nombre de répétitions, chaîne cinétique…

Ainsi, la rééducation devient adaptée à la fois au stade clinique et au profil du patient, et peut évoluer dans le temps.

Un modèle ancré dans la pratique moderne

Plus de 10 ans après sa description, le modèle STAR–Shoulder constitue une référence internationale dans la prise en charge des pathologies de l’épaule. Il est utilisé — parfois sans être nommé — par de nombreux cliniciens experts en rééducation.

Ses forces principales :

  • La structuration en étapes progressives et complémentaires
  • La personnalisation des traitements
  • L’intégration de l’approche biopsychosociale
  • La compatibilité avec d’autres modèles cliniques pour les troubles musculo-squelettiques
  • L’adaptation de la prise en charge en fonction de l’évolution clinique du patient

La note au TOP

Le modèle STAR–Shoulder propose une approche clinique en trois étapes structurées et intégrées, alliant sécurité, précision diagnostique et individualisation de la rééducation. En considérant le contexte du patient, la nature de l’atteinte et sa réponse au traitement, ce modèle permet une prise en charge ciblée, évolutive et centrée sur la personne soignée.

Il s’impose aujourd’hui, en tant que tel ou selon des variantes, comme un outil incontournable pour les professionnels de la rééducation de l’épaule, au service d’un traitement plus pertinent, plus humain et plus efficace.